Association Française des Assistants Réalisateurs de fiction

Contribution / Témoignage de Luc Bellon

22 octobre 2002
afar.cc/23

Luc Bellon, guide et coordinateur sécurité de haute montagne nous a fait parvenir le témoignage suivant :


- Contribution / Témoignage de Luc Bellon -

(Guide de Haute Montagne, Coordinateur de Sécurité sur les plateaux de Tournage)

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Tout d’abord bravo pour cette excellente initiative qui je l’espère très rapidement suscitera l’intérêt de tous.
Votre expérience en la matière est supérieure à la mienne, aussi c’est humblement que je me permets de partager ces lignes, avec vous. Toutefois ces propos ont pour but 1 : de lancer le forum 2 : de nous rappeler que le 7e Art qui fait tant rêver, est lui aussi sujet a la tracasserie administrative.
Formateur au sein du service public en charge de la sécurité et du secours, puis en milieu urbain sur structures en hauteur, j’avais coutume de dire aux stagiaires qu’il fallait se faire son propre scénario ; plus noir encore que le pire des polars….et même après anticipation des situations, qu’il faudrait encore réajuster à la dernière minute sans précipitation.
MOTEUR.
Pour utiliser le jargon professionnel : la technique du flash back me semble t’il permet entre autres de « revivre » les événements.
Très souvent les flashs back sont teintés de noir et blanc et autres effets spéciaux dont les directeurs photos ont le secret.
Mais la vie se doit d’être en couleurs. !
Facile me direz-vous ! Car après l’accident tout le monde s’accorde à disséquer, analyser, à découper comme autant de plans séquences.
La sagesse populaire utilise les « si j’avais su, » traduit par l’environnement judiciaire et les cabinets d’assurances par « à posteriori ». C’était prévisible rétorque certains ! « Pré -voir »…. Don d’ubiquité… ? Que nenni !
Imaginer, même le pire, anticiper les situations, organiser, conseiller.
Parce qu’un accident est toujours le résultat d’une réaction en chaîne, nous pouvons définir deux grandes catégories de dangers, avec automatiquement interaction entres eux.
Les dangers objectifs : liés à l’environnement.
Ex : chute de pierres, tournage dans des ruines….
Chute d’une caisse caméra depuis une plate-forme ou une nacelle.
Conditions météorologiques défavorables….
Les dangers subjectifs liés à l’individu lui-même.
L’inexpérience, la fatigue, l’inattention, la trop grande confiance en soi…engendre l’erreur humaine.
En dernier ressort c’est toujours l’individu qui est en cause.
Si personne ne se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, il n’y a aucune conséquence majeure.
Dans la chaîne de sécurité on se doit de remonter le plus possible en amont.
Lors des repérages, le choix des sites doit prendre en compte ces facteurs.
- Eloignement, infrastructure proche.
- Sécurisation des sites
- Acheminement du personnel et du matériel
- Sécurisation du plateau lors du tournage
Le tout en donnant satisfaction à la réalisation car on est là aussi pour tourner n’est ce pas… ?

LES RIVIERES POURPRES : GLACIER DU TOUR 3400 M

Enième rotation d’hélicoptère qui se termine dans un tourbillon de neige.
50 personnes sont là « rassemblées » dans un périmètre très restreint, balisé, sécurisé.
La grue scorpio surplombe la crevasse ou tout au fond à 35 mètres les cameramen attendent.
ACTION. Une semaine durant il en sera ainsi. Le périmètre de sécurité est bien défini, rubalise de chantier, cordes fixes, un technicien Sécu attribué à chaque équipe de travail.
Réalisation, Machinos, régie, Acteurs bien entendu…. régulation des rotations incessantes des hélicos avec à chaque fois un peu de stress ,.
Au départ c’est un gros chantier bien maîtrisé avec la présence de Patrick Cauderlier, tout roule, pas de problème.
Mea culpa.
Quelques jours auparavant, sur une autre séquence en équipe réduite, nous avons perdu une caméra, une crash box (explosée) à la limite de l’accident corporel : problème de communication.
L’avalanche est partie trop tôt. Problème de timing, l’éclairage naturel est incontrôlable.
Il faut faire vite, mise en place des caméras, le soleil tourne, pas nous.
Accélération du rythme, tout en haut 800 mètres au-dessus de nos têtes, les charges explosives se mettent en place. La place est évacuée alors que les artificiers approchent. Toute la pente part sous leurs pieds. La corde de Sécu les bloque.
Ne jamais laisser de place au hasard.
Checker encore et toujours, être méticuleux, directif même si nécessaire.
Plus technique à réaliser mais plus simple à sécuriser, moins de personnel, une seule journée de tournage… Et pourtant.
Le tournage en première équipe me paraissait plus difficile à sécuriser, beaucoup de personnes sans expérience des milieux hostiles, une grosse logistique, la présence des acteurs, du producteur… bref, pas de droit à l’erreur, pourtant tout baigne ! Alors ?
Alors, leçon : Ne pas confondre risques réels et situation impressionnante.

LE RAID .

Mise en place de la grue Scorpio.
L’idée de départ est d’installer la grue dans une pente à 40 degrés environ pour tourner une cascade.
Un tremplin artificiel est construit d’une hauteur de 3 m les cascadeurs doivent sauter à ski les uns après les autres par-dessus les 4 acteurs.
Dans un premier temps une plate-forme de 40 m2 est taillée dans la neige, le plancher posé reste à installer « la bête ».
Soucis d’Emile le chef machino, super d’ailleurs, la pente se termine 200 m en contrebas.
Rapidement malgré les arguments économiques très légitime d’ailleurs, l’hélitreuillage en deux parties est décidé. Difficile en effet voir impossible de transporter une telle masse dans la pente et la neige.
Bilan : Le plan précédent à peine terminé, tout est transporté sur la plate-forme. Gain de temps, d’énergie, respect du plan de travail…. Malgré des conditions météo déplorables.
Très souvent l’hélico finira les rotations limite nuit sous la neige, au projecteur. Fermant le plateau, le Directeur de production, les machinos, quelques retardataires et moi-même rejoignons la vallée en « Rattrack » à la nuit noire.

CLAP DE FIN et vin chaud pour tout le monde…. !

QUELQUES INFOS JURIDIQUES
1/ L’EVALUATION DES RISQUES.
L’évaluation des risques fut introduite dans le droit Français du travail par la loi N°91-1414 en date du 31 /12/ 1991 (code du travail Art, L.230-2). La création d’un document relatif à l’évaluation des risques est plus récente. Décret N° 2001-1016 du 05/11/2001. Plus récemment encore le 18/06/2002 une circulaire du ministère du travail apporte des précisions quant au contenu, la forme et la mise à jour de ce document unique ( un seul document pour l’ensemble de la démarche d’évaluation des risques).
Source Circulaire 18/04/2002 CCHS.
2 / PREVENTION DES RISQUES.
Les principes généraux de prévention des risques répertoriés par l’Art. 6 de la directive 89/ 391 sont :
• Eviter les risques
• Evaluer les risques qui ne peuvent être évités.
• Combattre les risques à la source.
• Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix d’équipements et de méthodes de travail et de production.
• Tenir compte de l’évolution de la technologie.
• Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou par ce qui l’est moins.
• Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.
• Prendre des mesures de protection collectives en leur donnant la priorité sur les mesures individuelles.
• Donner des instructions appropriées aux travailleurs.
3 / LIEUX DE TRAVAIL.
DECRET 92 - 333 du 31/03/1992
Sont considérés comme lieux de travail ceux destinés à recevoir des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l’établissement ainsi que tout autre endroit compris dans l’aire de l’établissement à laquelle le travailleur a accès dans le cadre de son travail. ( art R.232.1)
Art R 232 EXPLICATIONS
1.3
Signalisation des zones de dangers, matérialisation
1.4
Seuls les salariés autorisés par le chef d’établissement ou son délégué
ont accès aux zones de danger
1.10
Les postes de travail extérieurs doivent être aménagés de façon telle que les
Travailleurs dans la mesure du possible ne puissent ni glisser, ni chuter. Tous ces éléments sont sans doute connus de tous, pourtant une certaine méthodologie dans la prévention et la gestion des risques peut nous aider à réduire ces derniers.

Luc BELLON


Voir en ligne : Site Web de Luc Bellon


© Délégation Sécurité de l’AFAR e-mail : securite at afar-fiction.com
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