De nombreux réalisateurs et techniciens du cinéma et de l’audiovisuel s’inquiètent de la situation des studios français et se mobilisent sur la question. Cette mobilisation a déjà permis de sauver du démantèlement les studios de Bry, dont l’existence demeurait menacée par une hypothétique vente de leur foncier. Sur le destin de cet outil exemplaire, semblent se focaliser les problématiques majeures de tout un secteur industriel.
De fait, l’évolution des techniques de fabrication des œuvres audiovisuelles, la généralisation du recours aux effets spéciaux, la croissance spectaculaire de l’offre de séries et la mutation des modèles économiques impulsée par des plateformes de streaming nous poussent à nous interroger sur l’avenir du modèle de production français et sur sa capacité industrielle à répondre aux attentes des publics français et étrangers.
Afin de maintenir son niveau de production domestique, de contenir la délocalisation des films et des séries et d’attirer des productions étrangères sur son territoire, la France doit offrir des d’équipements industriels offrant des services intégrés et compétitifs.
Or, force est de constater que de tels studios susceptibles d’accueillir aussi bien les productions des séries qui tant pour des raisons budgétaires qu’artistiques ont systématiquement recours aux studios, que les blockbusters internationaux attirés sur notre territoire par le crédit d’impôt international, font défaut.
C’est pourquoi Film France et le CNC ont confié à Cinéfinances.info, et à son gérant Serge Siritzky, une étude sur ce secteur visant à :
- Recenser l’offre et analyser la performance des studios français ;
- Procéder à une analyse comparative des offres des studios européens concurrents ;
- Déterminer si les écarts des studios français avec leurs concurrents européens sont préjudiciables au développement d’une production cinématographique et audiovisuelle ambitieuse ;
- Proposer des mesures pour améliorer l’offre de studios français.
Cette étude s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la croissance du volume de la production audiovisuelle mondiale du fait des commandes des plateformes internationales de S-Vod, et des efforts des chaînes de télévision en réponse à cette nouvelle concurrence. La période est également marquée par la croissance du nombre de blockbusters américains et de grands films populaires non américains qui ont massivement recours aux effets spéciaux.
Ainsi, la présentation de ses comptes annuels au 31 mars 2018, par le groupe britannique Pinewood Group Limited, qui possède de nombreux studios au Royaume-Uni (dont Pinewood et Shepperton près de Londres) et dans le monde, débute-t-elle par :
« La demande d’espace de tournage continue de dépasser les capacités de Pinewood et Shepperton, ce qui nécessite notre expansion (...). Le taux d’occupation des studios cette année est de 93%, le plus élevé depuis 10 ans. »
Le groupe a annoncé cet été que les studios de Shepperton (banlieue de Londres) qui lui appartiennent investiront 480 millions £ (640 millions €) pour augmenter de 42 000 m2 la capacité de ses plateaux, notamment afin de répondre à la demande des producteurs de blockbusters américains. Et, selon les statistiques du British Film Institute, « les dépenses de production dans les films de cinéma et les fictions haut de gamme au Royaume-Uni devraient doubler entre 2017 et 2025, passant de 2 milliards £ à 4 milliards £ ».
Par ailleurs, Netflix vient d’annoncer qu’il avait actuellement 35 séries de fiction en tournage en Europe et laisse entendre que ce chiffre passerait à une centaine dans deux ans.
Amazon a commencé à commander à son tour des séries en France et il semble que ce groupe soit en mesure d’investir des sommes au moins égales à celles de Netflix pour alimenter son offre Amazon Prime. Enfin, Disney comme Apple, s’apprêtent à lancer leurs propres plateformes, avec des contenus originaux, pour concurrencer Netflix et Amazon partout dans le monde. Warner pourrait prochainement leur emboiter le pas. Tous sont susceptibles de passer des commandes de productions locales originales dans leurs principaux marchés.
Dans les années à venir, la production de films et de fictions devrait donc exploser, créant de nombreux emplois et dégageant une importante valeur ajoutée. C’est pourquoi il est essentiel de s’interroger sur la capacité de nos outils de fabrication de films et de séries à répondre à cette demande.
D’un point de vue méthodologique, il est précisé que l’étude se concentrera sur les plateaux destinés aux films de cinéma, à la fiction et, éventuellement, aux films publicitaires. Sont ainsi exclus du champ de l’étude les plateaux destinés aux programmes de flux et à l’accueil de public, dont les normes de sécurité et les tarifs de location élevés sont sans rapport avec les conditions de production de fictions.