Préambule
Les témoignages de victimes de violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS) ont mis en lumière des réalités subies par les salariés et longtemps occultées dans le monde du travail.
Cette libération de la parole a permis de prendre en compte ce phénomène existant notamment dans le secteur de la production audiovisuelle. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour lutter contre les faits de violence et harcèlement sexistes et sexuels depuis 2020 tant au niveau de la branche professionnelle qu’au niveau interbranches et multiprofessionnel.
En mars 2022, les partenaires sociaux de la production audiovisuelle en collaboration avec leurs homologues de la production cinématographique et publicitaire et le Collectif 50/50 ont publié un kit de prévention des VHSS dans l’audiovisuel et le cinéma donnant des repères et outils aux entreprises et aux salariés pour prévenir, signaler réagir et traiter les situations à risque et les signalements de VHSS.
Afin de poursuivre la lutte contre les VHSS et parfaire l’efficience des initiatives prises en tenant compte de la structuration des entreprises de la branche (majoritairement des entreprises de moins de cinquante salariés), de l’hétérogénéité des programmes audiovisuels produits par ces entreprises, de la nature des emplois y afférents (majoritairement des contrats à durée déterminée d’usage conclus pour réaliser ces programmes pour quelques jours,
semaines ou mois), les partenaires sociaux de la branche de la production audiovisuelle ont souhaité conclure le présent accord.
Cet accord met particulièrement l’accent sur la prévention des VHSS et a notamment vocation à :
- permettre à tous les intéressés de s’approprier les définitions légales, d’identifier les tiers de confiance et les outils existants ;
- favoriser une prise de conscience des enjeux liés aux VHSS par les collectifs de travail ;
- améliorer la prévention et le traitement VHSS, notamment par la formation des équipes techniques et artistiques ;
- adapter les mesures de prévention afin de prendre en compte les risques spécifiques à certains métiers, notamment en créant par voie conventionnelle un rôle de référent VHSS pour les programmes audiovisuels ou en définissant des préconisations pour l’organisation des castings et le tournage de scènes d’intimité ;
- renforcer le rôle du Comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la branche (CCHSCT) ;
- organiser le suivi et l’adaptation de l’accord.
Le présent accord collectif est complété par un autre accord sur les conditions d’emploi des artistes de moins de 16 ans et aux dispositifs de protection dédiés.
Information des salariés
L’information de l’ensemble des salariés constitue l’un des éléments centraux de la prévention des risques de VHSS. Plusieurs modalités d’information des salariés peuvent être mises en œuvre pour remplir cet objectif, par l’entremise du règlement intérieur, de briefings sécurité, par affichage dans les locaux de travail, par intranet ou par tout autre moyen.
Les contrats de travail des salariés doivent comprendre une annexe dédiée à la prévention des VHSS qui rappelle notamment les coordonnées des interlocuteurs internes et externes à l’entreprise qu’ils peuvent contacter.
Rappel des obligations de l’employeur
L’article L. 4121-1 du Code du travail rappelle l’obligation de l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, dans le cadre des principes généraux de prévention listés à l’article L. 4121-2 du Code du travail et notamment du 7° de cet article en matière de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes.
En matière de harcèlement sexuel, « l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner » (article L. 1135-5 du Code du travail).
L’employeur met en en place et déploie les mesures de prévention et de traitement des situations de VHSS dans l’entreprise. Il constitue le premier destinataire des signalements des salariés témoins ou victimes de faits présumés de VHSS.
L’employeur diligente les actions nécessaires en cas de signalement d’une situation à risque par la mise en place d’une procédure appropriée, visant d’une part, à mettre un terme dans les plus brefs délais à de tels agissements, d’autre part, à prendre les mesures organisationnelles et disciplinaires adaptées.
Création du poste de Référent VHSS de la production
Compte tenu de l’organisation spécifique du travail des salariés qui ne sont pas attachés à l’activité permanente des sociétés de production, les partenaires sociaux décident de l’institution par voie conventionnelle d’un « référent VHSS de la production », en sus des référents prévus par le Code du travail. Son rôle et ses attributions n’ont pas la même nature et viennent donc les compléter.
La désignation d’un ou de plusieurs salarié(s) en tant que référent(s) VHSS de la production ne peut se faire que sur la base de son (leur) volontariat.
Tout salarié volontaire désigné référent VHSS doit obligatoirement justifier avoir suivi la formation destinée aux référents visée au 4) de l’article 2.2 ou une formation équivalente destinée spécifiquement aux référents VHSS.
Toute société de production audiovisuelle peut désigner un ou des « référent(s) VHSS de la production ».
Pour les programmes de fiction, la désignation d’un « référent VHSS de la production » par l’employeur est obligatoire y compris s’il y a, par ailleurs, un référent VHSS désigné au niveau de l’entreprise ou du CSE.
Rôle et missions :
En aucun cas l’employeur ne peut déléguer ses responsabilités en matière de sécurité et de mise en œuvre des procédures internes au référent VHSS. Le référent n’est donc pas responsable du traitement des sujets liés aux VHSS ni de la procédure de traitement de ces signalements.
Il ne saurait en outre être responsable des manquements aux règles de sécurité édictées par l’employeur ni même des éventuels manquements de l’employeur dans le traitement de ces situations.
Le rôle de ce référent est :
- d’informer et orienter les salariés vers les ressources utiles, en particulier celles listées au 2) du présent article ;
- de participer aux actions de sensibilisation et de prévention des VHSS, en lien avec l’employeur ;
- de communiquer sur la procédure de signalement interne à l’entreprise, en lien avec l’employeur ;
- de recueillir les signalements des salariés ;
- de transmettre par écrit les signalements recueillis à l’employeur et ses représentants ;
- d’être informé du suivi et de la clôture de la procédure de traitement des signalements, le cas échéant.
Le rôle de référent VHSS de la production étant déconnecté des fonctions habituelles du salarié et fondé sur le principe du volontariat, il justifie une indemnité spécifique. Cette indemnité est de 30 euros bruts hebdomadaires pour les salariés engagés en contrat à durée déterminée d’usage.
Préconisations pour l’organisation des castings et les auditions
L’endroit où se déroule le casting, la sélection ou l’audition, la mise en concurrence, les enjeux, l’âge des candidats, la possible emprise et la situation de pouvoir de ceux qui sélectionnent sont, parmi d’autres, des sujets de vigilance face auxquels des mesures spécifiques doivent être prises.
L’annonce de casting doit prévoir la possibilité pour les candidats de se faire accompagner.
Dès le premier rendez-vous, ou avant si possible, les candidats sur le rôle doivent être informés sur ce qui leur sera demandé et en particulier sur l’existence dans le scénario ou dans le programme audiovisuel de scènes imposant la nudité, de scènes d’intimité ou de scènes à caractère sexuel. Il est rappelé à ce titre qu’il est strictement interdit d’exposer des mineurs à des scènes à caractère sexuel.
L’employeur doit allouer à l’équipe casting ou de sélection des lieux adaptés. Aucun rendez-vous de casting ou de sélection, qui sont des temps professionnels, ne doit avoir lieu dans une chambre d’hôtel ou un appartement privé d’une personne de l’équipe.
Les artistes et candidats mineurs de moins de 16 ans doivent être accompagnés d’un adulte référent dont le rôle est de s’assurer, en contact avec les représentants légaux si ce n’est pas eux qui assument ce rôle, que la sécurité et l’intérêt de l’enfant sont préservés. Les locaux devront en outre permettre d’accueillir les accompagnants.
En aucun cas et à aucune étape du casting ou de l’audition il ne peut être demandé à un candidat de se dénuder ou de réaliser des scènes d’intimité ou à caractère sexuel.
Préconisations pour les scènes d’intimité ou à caractère sexuel
Les répétitions ou le tournage de scènes d’intimité ou à caractère sexuel sont des situations de travail qui nécessitent une préparation et une attention particulière afin d’éviter les comportements à risque et prévenir les VHSS.
Ces scènes méritent une préparation en amont, au même titre que toutes les scènes à risque (cascades, effets spéciaux, armes…) tel qu’il est rappelé dans l’arrêté du 15 octobre 2016 relatif aux mesures de prévention dans la production de films cinématographiques et audiovisuels. Des mesures de prévention adaptées doivent être prises sur la base de l’évaluation des risques réalisée pour chaque scène d’intimité ou à caractère sexuel. La consultation en amont d’un coordinateur d’intimité est utile pour effectuer un premier dépouillement du scénario et procéder à une analyse des risques.
En premier lieu, il convient de s’assurer qu’une description de toute scène exigeant la nudité ou la semi-nudité ou de toute scène impliquant un acte sexuel simulé, soit présentée formellement à l’artiste, et que ce dernier ait consenti à jouer la scène de cette manière suffisamment en amont de son tournage.
A cet effet, l’accord de l’artiste pour jouer différents types de scènes d’intimité ou à caractère sexuel doit être préalablement recueilli par écrit au moyen, par exemple, de la clause-type figurant en annexe de l’Accord. Son consentement est révocable à tout moment.
Dans ce cadre, le producteur propose également à l’artiste d’engager un coordinateur d’intimité. La présence de ce dernier est obligatoire dès lors que l’artiste intervenant dans les scènes susvisées en formule expressément la demande par écrit au moyen, par exemple, de la clause-type figurant en annexe de l’Accord.
➜ Lire l’intégralité de l’accord ci-dessous :